Tour du monde olfactif : un parfum d’Asie

Le parfum en Asie est lié à la culture et aux traditions : si le continent est riche en senteurs, découvrez que l'utilisation des fragrances est différente du rituel occidental

Les parfums sont une véritable invitation au voyage pour nos sens. En stimulant notre imaginaire grâce à des notes venues d’ailleurs, ils nous transportent en quelques gouttes. Dans cette nouvelle série d’articles, nous vous proposons un tour du monde des odeurs pour découvrir les traditions et les matières premières aux quatre coins du globe. Pour notre première escale le nez en éveil, nous avons choisi de découvrir le parfum d’Asie, territoire riche en couleurs et en odeurs. Des fleurs, des épices, mais aussi des fruits et des plantes enrichissent la palette olfactive des habitants et des voyageurs. Toutes ces senteurs parfument des rituels ancestraux, encensent des lieux de vie et de culte et se renouvellent pour conquérir les nouvelles générations. Entre traditions et modernité, le parfum d’Asie se révèle tout en mystères…

Sur la route des parfums d’Asie

Lors d’un voyage en Asie, outre la chaleur humide et intense, notre odorat est pris d’assaut par une odeur aussi saisissante qu’indéfinissable. Et si les paysages, les gens ou la langue ne se ressemblent pas, on peut facilement s’accorder à dire qu’il y a véritablement un parfum d’Asie, qui subsiste au-delà des frontières. Comme un mélange de senteurs présentes sur le continent, ce parfum si caractéristique nous accompagnera tout au long de notre voyage et restera fermement ancré dans notre mémoire olfactive.

Des marchés aux milles odeurs

La première étape de cette escale asiatique débute dès le lever du soleil, dans les dédales bruyants des marchés typiques. Sur une barque au cœur des marchés flottants thaïlandais, ou au milieu des allées du marché couvert de Yogyakarta, vos sens évoluent dans une effervescence colorée et odorante. D’abord titillées par des notes puissantes, vos narines vous guideront tout droit vers les impressionnants monticules d’épices. Cumin, curcuma, ou encore citronnelle et coriandre : vous retrouverez ici toutes les odeurs de la cuisine traditionnelle.

Un peu plus loin, une autre odeur envahit votre nez, celle du durian, fruit dont les asiatiques raffolent ! Son fumet imposant et pour beaucoup écœurant embaume. Il se mêle au parfum champêtre des fruits et des légumes vendus à même le sol. Le salak (ou fruit-serpent) se retrouve aux côtés des pommes, des agrumes, de toutes sortes de piments, des feuilles de bananier et bien d’autres. À quelques mètres, l’odeur se fait plus douce mais tout aussi puissante. Nous voilà désormais entourés de fleurs aux parfums enivrants. Fleurs de frangipanier, ylang-ylang, tubéreuses, bourgeons de jasmin et œillets d’Inde offrent un spectacle aussi beau à voir qu’à sentir. Ici et là, des femmes préparent avec dextérité des paniers d’offrandes et des colliers qui viendront fleurir les statues et les cous.

La danse enivrante de l’encens

Après cette balade parfumée au marché, notre nez pour seul guide nous dirige vers un temple. Présents dans toutes les provinces d’Asie, ces lieux de dévotion sont chargés de traditions. En y pénétrant, l’odeur de l’encens nous saisit. Ce parfum mystique utilisé dans les rites religieux, crée une atmosphère chaude et réconfortante. On se laisse alors volontiers submerger par la danse enivrante de cette fumée, aux pouvoirs sacrés. Sous toutes ses formes, énormes serpentins pouvant peser près d’un quintal en Inde ou au Japon, jusqu’aux bâtonnets les plus fins en Asie du Sud-Est, vous ne pourrez que vous sentir apaisé par son parfum mystérieux et résineux.

Parfum d’Asie et de gourmandise

Le dernier arrêt de notre voyage olfactif se conclut à la tombée de la nuit, lorsque les rues s’animent de nouveau d’un fourmillement de gens et d’odeurs. Il est l’heure de manger dans les restaurants de rue, omniprésents en Asie. Bienvenue au cœur de la street food asiatique ! Les saveurs d’épices, de légumes et d’huile chaude s’accompagnent d’un parfum fruité et gourmand. Jus de fruits en tout genre et gâteaux sucrés piqués sur des brochettes achèvent de charmer notre odorat et nos papilles !

Du durian jusqu’à l’encens, en passant par les fleurs trouvées dans les offrandes, l’Asie regorge d’odeurs aussi surprenantes que familières.

L’utilisation du parfum en Asie

Si le continent regorge de matières premières aux senteurs puissantes, le rituel du parfum est quant à lui beaucoup plus sobre.

La culture du propre

En Asie et particulièrement au Japon, le parfum occupe une place bien moins importante dans le quotidien qu’en Occident. Au pays du Soleil Levant, les hommes âgés de plus de 60 ans n’en n’ont quasiment jamais porté et n’en porteront certainement jamais. Les femmes quant à elles, l’utiliseront avec la plus grande parcimonie, et seulement pour des occasions spéciales. Contrairement à la France où le parfum est ancré dans notre histoire, les habitudes culturelles japonaises s’opposent même à cette idée. Dans un pays où le respect de l’autre est primordial, sentir l’odeur d’autrui, et donc le déranger, est assez déplacé. Si dans la culture européenne le parfum est synonyme d’élégance et d’affirmation de la personnalité, au Japon l’élégance passe par le fait de ne pas se faire remarquer dans la foule.

Le parfum comme cadeau

En Asie, l’attention des femmes est plus particulièrement tournée vers le soin et le maquillage. Et si elles n’ont aucun mal à se procurer leurs produits préférés, le parfum, lui, repose traditionnellement sur la culture du cadeau. Il s’agit d’un acte important et qui témoigne toujours d’un grand raffinement. Un flacon s’offre ainsi comme un bel objet et sera souvent conservé dans un esprit de collection. Le paquet qui l’enveloppe est donné facilement et bien souvent la composition en elle-même n’est jamais portée. C’est un cadeau qui voyage entre les maisons, de famille en famille. Lorsque l’on ouvre le paquet, le flacon se fait véritable objet de décoration.

Un nouvel engouement des jeunes générations

Quand 75% des habitants de France, d’Espagne ou des États-Unis se parfument tous les jours, seulement 12% des citoyens chinois déclarent en faire de même*. Traditionnellement et culturellement, le marché de la parfumerie a eu du mal à s’implanter en Asie. Mais aujourd’hui la tendance est en train d’évoluer. S’il reste accessible à une certaine élite de la population, la jeune génération commence à se parfumer quotidiennement depuis quelques années. Des notes florales aux parfums fruitées, toutes les familles olfactives semblent conquérir les plus jeunes consommateurs. L’utilisation et le choix des fragrances restent fortement liés à un phénomène de mode. Des grands noms de la parfumerie française, symboles d’un mode vie à la parisienne, se sont fait une place de choix.

Les notes boisées et chyprées sont largement plébiscitées. Elles évoquent la forêt, chère aux japonais, dont les balades champêtres restent la sortie familiale favorite. On retrouve ainsi des matières premières récurrentes comme le bois d’hinoki. Son parfum boisé aromatique évoque la force du cèdre, associée à la fraîcheur des herbes aromatiques.

Des matières premières emblématiques

le bois de santal est très présent au Sri Lanka et en indonésie

Le santal des terres indiennes

Si l’on retrouve du santal sur le territoire australien, le santal blanc provient quant à lui exclusivement d’un arbre présent au Sri Lanka et en Indonésie. Connu et utilisé depuis des millénaires, le santal fait partie intégrante de nombreux rites funéraires notamment dans les cultes hindouistes et bouddhistes. En parfumerie, on distille le bois et les racines pour délivrer l’essence de santal. Son odeur est chaude, fumée, cireuse, boisée. Ainsi, son parfum est chaleureux, sensuel voire même lacté et velouté. Le santal permet d’enrichir la puissance olfactive d’une fragrance. On le retrouve dans notre parfum ïōdé au cœur d’une note de fond boisée et ambrée. En Inde, les villes de Bangalore et de Myosore sont réputées pour l’artisanat lié au bois de santal, aussi bien dans la sculpture de statuettes divines que pour la confection de compositions parfumées.

le musc tonkin est originaire du Vietnam

Le musc Tonkin du Vietnam

À l’origine, le musc est une matière première d’origine animale qui provient de la sécrétion d’une glande du chevrotin porte-musc. Le plus puissant des muscs mais aussi le plus reconnu était celui du Tonkin. Cette espèce vit notamment en Asie, plus particulièrement dans les hauteurs des plaines vietnamiennes. C’est d’ailleurs au Vietnam, vers l’an 1000, que la ville d’Hoa Lu fut la capitale du musc Tonkin. Les habitants s’en servaient pour ses vertus thérapeutiques. Cette senteur très animale a franchi les frontières et est devenue un ingrédient phare de la parfumerie autant pour ses notes sensuelles que pour sa persistance. Aujourd’hui l’espèce est protégée et le musc est reproduit grâce à la synthèse.

les fleurs d'ylang-ylang sont originaires des Philippines

L’ylang-ylang des Philippines

Originaire d’Asie du Sud-Est, les fleurs d’ylang-ylang sont utilisées par les philippins depuis la nuit des temps. Et c’est encore le cas aujourd’hui quand certains d’entre eux fabriquent du boori-boori. Il s’agit d’une sorte de pommade qui mélange ces fleurs parfumées avec de l’huile de noix de coco. Si elle sert maintenant à protéger la peau et les cheveux du sel et des rayons du soleil, elle était autrefois appliquée sur le corps lors de la saison des pluies pour se protéger des maladies et des infections.

C’est à Manille que les premières fleurs d’ylang ylang ont été distillées vers 1860. La culture s’est aujourd’hui largement intensifiée et l’arbre a peu à peu été introduit dans toutes les îles du Pacifique. Les fleurs sont récoltées chaque semaine à la fraîche. Elles sont ensuite distillées à la vapeur d’eau. On retrouve l’ylang-ylang dans plusieurs de nos fragrances comme kilimmusc et musc originel.

le cerisier en fleur, sakura, emblème parfumé du Japon

Sakura ou la fleur de cerisier

Emblème du Japon, le cerisier en fleur est fêté chaque année lors d’un événement qui attire désormais les touristes du monde entier. C’est au printemps, et plus précisément durant la première semaine d’avril, que les fêtes du Hunami célèbrent la floraison du Sakura, cerisier en japonais. Ces arbres majestueux embellissent le paysage de nuances de blanc, de rouge et de rose. La symbolique est très forte. Issue de la philosophie du Mono No Aware, elle prône la beauté des choses éphémères. On comprend pourquoi quand on sait que la floraison dure à peine deux semaines. Outre sa beauté et sa symbolique, le sakura dégage également un parfum apprécié des japonaises. Très douces et féminines, les fleurs de cerisier sont loin des odeurs sucrées que peuvent nous évoquer les fruits d’été. Les pétales dégagent une senteur légèrement fruitée tout en étant un peu amère.

C’est sur cette note printanière que s’achève notre voyage olfactif sur le parfum en Asie. Nous vous donnons rendez-vous dès le mois prochain pour une nouvelle escale parfumée. Départ imminent pour le cœur de l’Afrique…

* Comment vendre son parfum en Chine ? Mars 2018


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