Dans l’éventail des facettes olfactives à la disposition du nez, on retrouve des tonalités particulières, aux nuances puissantes et sensuelles : les notes fumées. Ces notes très odorantes et tenaces s’utilisent avec parcimonie pour sublimer les fragrances en leur offrant beaucoup de caractère. Levons le voile sur ces effluves envoûtants et mystérieux.
Les notes fumées, à l’origine de la parfumerie
Les origines du parfum remontent à la Préhistoire, et notamment depuis que l’Homme a découvert le feu. C’est en cueillant des plantes, des aromates et en ramassant du bois que les premiers hommes ont eu l’idée de les jeter dans les flammes. En se consumant, ces matières premières naturelles ont ainsi créé des nuages de fumée odorante, les toutes premières formes de senteurs fabriquées par l’être humain. Les notes fumées sont donc pour ainsi dire, les premières facettes olfactives que le nez de l’Homme a connues.
À travers les rituels des différentes civilisations égyptiennes et grecques, le fait de faire brûler des végétaux a revêtu une symbolique encore plus forte, un moyen de communiquer avec les dieux. La fumée, en s’élevant, était ainsi considérée comme une passerelle entre les mortels et le monde sacré des divinités. D’ailleurs, le terme parfum en lui-même témoigne de cet héritage ancestral. En effet, son étymologie latine per fumum se traduit littéralement comme « par la fumée ». L’utilisation des notes fumées dans les compositions est donc en quelque sorte un retour aux sources, à l’origine de la parfumerie et de son sens le plus sacré.
Comment obtenir ces notes si particulières ?
Il existe plusieurs façons d’apporter des nuances délicatement fumées à une composition. Le nez peut intégrer à la formule des ingrédients qui dégagent naturellement des notes fumées. La seconde solution est de fumer directement certaines matières premières pour qu’elles dévoilent de nouvelles tonalités.
Les ingrédients aux notes fumées

Le cade
Le cade est un arbuste méditerranéen qui prolifère dans un environnement de garrigue, sur les coteaux arides du midi. Il s’agit en fait d’une variété du genévrier, mais ses feuilles sont plus longues et marquées de deux bandes blanches sur les côtés. Des fruits rouges bruns se développent sur l’arbuste entre avril et novembre. Le bois de cade est utilisé depuis la nuit des temps en fumigation pour purifier l’air et éloigner les insectes. C’est l’un des plus vieux antimites naturels ! En parfumerie, on extrait une huile essentielle du cœur du bois. Relativement peu utilisé, le bois de cade permet généralement de sublimer des fragrances cuirées. Son parfum est extrêmement puissant et révèle une odeur de fumée puissante. Il possède des notes chaudes et rassurantes, presque rugueuses, qui évoquent le feu de camp.

Le bouleau
Dans les régions d’Europe du Nord, certaines matières parfumées parviennent à se développer malgré le froid. C’est le cas du bouleau, que l’on retrouve dans les forêts de la taïga, notamment en Suède. Bois résistant, le bouleau est souvent appelé arbre de la sagesse. En parfumerie, c’est son écorce qui est utilisée pour délivrer l’essence de goudron de bouleau. Le goudron, ou poix de bouleau, est une substance que l’on crée en faisant chauffer de l’écorce de façon hermétique pour obtenir une substance pâteuse composée de goudron et des cendres de l’écorce. L’essence de goudron de ce bois s’obtient grâce à une longue distillation à la vapeur sèche de cette substance. Celle-ci évoque la sensation olfactive d’un feu de bois, grâce à ses notes chaudes et fumées. Cet ingrédient, tout comme le cade, est majoritairement utilisé dans les compositions cuirées.

Le vétiver
Le vétiver est une plante rhyzomique tropicale devenue l’emblème des parfums boisés. Ainsi en parfumerie, on distille les racines séchées du vétiver pour en délivrer l’essence. Son odeur est très identifiable : elle a des tons boisés, verts, terreux avec des nuances fumées subtiles, beaucoup plus douces que les ingrédients cités précédemment. Avec le vétiver, les notes fumées qui se dégagent sont moins brutes et sèches. C’est pourquoi il nous rappelle les sous-bois, l’encens ou parfois même la cacahuète. Le vétiver est utilisé en note de fond de notre parfum alõ pour lui conférer une facette boisée. Ses notes légèrement fumées apportent de la chaleur et une sensation olfactive apaisante.
Les bois et les résines fumés
Bon nombre d’ingrédients ne dévoilent pas naturellement ces tonalités fumées envoûtantes. Mais ce n’est pas ce qui arrête le parfumeur qui peut fumer certaines matières premières pour leur apporter de nouvelles nuances. Et certains végétaux, notamment des bois et des résines, se prêtent particulièrement bien au jeu. C’est le cas de bois odorants comme le santal, le cèdre ou encore l’oud, qui une fois fumés, révèlent des essences encore plus intenses et riches, oscillant entre senteurs animales et sensation aérienne. Le patchouli peut également se fumer pour accentuer encore plus son aspect brut et résineux. Comme les bois précieux, les résines et autres baumes sont aussi très intéressants olfactivement parlant grâce au fumage. Ils affichent ainsi plus de sensualité.
D’autres matières se prêtent aussi parfaitement au processus du fumage. C’est le cas de la vanille qui devient très suave avec des nuances liquoreuses. Le tabac fumé offre quant à lui beaucoup de sensualité et de mystère à une composition, avec des nuances miellées et chaleureuses.
L’utilisation des notes fumées en parfumerie
Les parfums qui intègrent des notes fumées à leur pyramide olfactive sont généralement des jus au caractère bien trempé ! Il existe peu de compositions où la facette dominante est fumée. En effet, ces notes s’utilisent le plus souvent avec parcimonie car elles sont assez puissantes et surtout très tenaces. Mais ajouter des notes fumées à une composition permet de lui donner encore plus de richesse et de profondeur, avec beaucoup de sensualité. Toutefois cette facette olfactive reste assez aérienne et légère, elle n’alourdit pas la fragrance. À la fois animales, cuirées, chyprées et boisées, les notes fumées peuvent se marier avec de nombreux accords. Une chose est sûre, c’est qu’elles apportent ce « truc » en plus à un parfum, avec un côté ensorcelant, presque mystique.
Aimez-vous les notes fumées dans les fragrances ?
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