Le parfum et la haute-couture entretiennent une histoire commune depuis le début du XXème siècle. Des liens si forts qu’il est difficile aujourd’hui de dissocier la mode des fragrances. Si ces relations semblent à priori évidentes tant le parfum est un véritable accessoire de mode, elles peuvent aussi être assez paradoxales. La mode passe mais que le parfum reste… Entre visible et imperceptible, tactile et olfactif, parfum et mode constituent la panoplie de séduction de chacun et permettent d’affirmer notre identité. De l’apparition du parfum couturier aux raisons de ce succès, remontons le fil de cette histoire passionnelle.
La naissance du parfum couturier
C’est à partir du XXème siècle que la haute-couture et le parfum commencent à tisser de véritables liens. Au Moyen-Âge et à la Renaissance, les compositions et autres produits parfumés sont vendus par les épiciers et les apothicaires. Les maîtres gantiers-parfumeurs, dont on vous raconte l’histoire ici, en ont ensuite assuré le commerce. Les parfumeurs entrent enfin en scène à partir du XIXème siècle lors de l’essor de la parfumerie moderne. Avant le début des années 1900, aucune mercerie ou marchand de tissus ne s’étaient adonnés à l’art des parfums. Jusqu’à ce que…
Parfum et haute-couture : les pionniers
Le tout premier couturier à avoir vraiment travaillé le parfum fut Paul Poiret en 1911. Pour rendre hommage à sa fille, il créa une société spécialisée : « Le parfum de Rosine ». Si le succès fut important, l’erreur du couturier fut de mettre en avant le prénom de sa fille et non le sien. De ce fait, Poiret n’a pas réellement capitalisé sur la notoriété et l’image associée à sa maison de couture. Le célèbre Rosine ouvrira tout de même la voix à d’autres grands noms de la couture dans les années 20.
Parmi eux, on retrouve Gabrielle Chanel, qui lancera en 1921 son iconique numéro fétiche. Coco a quant à elle bien compris les enjeux de cette diversification et misera sur l’univers et les valeurs la marque, déjà bien implantés dans l’esprit des consommateurs. Audace du jus, sobriété du flacon en noir, beige et blanc, toute l’ADN Chanel s’imprègne dans cette création. Face à tant de succès, plusieurs maisons de couture se prêtent au jeu : Jean Patou, Jeanne Lanvin ou Worth. Ils créeront à leur tour des fragrances qui marqueront l’époque. Les pionniers du parfum couturier ont ainsi mis en place un concept qui fera plus tard la fortune des marques de luxe. Les maisons de couture, qui possèdent alors une clientèle très élitiste, proposent désormais grâce aux parfums des produits accessibles, ouvrant leur univers à une cliente beaucoup plus large.
Après-guerre, la mode ouvre grand ses narines
Dans un monde d’après-guerre, la population renoue avec le parfum qui fait l’objet d’un regain d’intérêt très fort. Bâillonnées pendant de longues années, l’envie d’entreprendre et la créativité rejaillissent de plus belle dès la fin du conflit. De nombreuses maisons de couture naissent à cette époque. Pour ces nouveaux couturiers, le parfum est un passage obligé pour diversifier très rapidement l’activité de leurs marques. Pierre Balmain se lance en 1945 et commercialisera dès l’année suivante sa première création parfumée. Il en est de même pour Carven, Givenchy ou encore Christian Dior qui dévoilera Miss Dior en 1947, le jour même du défilé de sa première collection. Le parfum haute-couture ayant ouvert la voie, les horlogers, selliers, joailliers et autres maroquiniers ne tarderont pas à se prêter au jeu.
Le parfum c’est le finishing touch d’une robe. Un parfum est une porte ouverte sur un univers retrouvé. Voilà pourquoi je suis devenu parfumeur, pour qu’il suffise de déboucher un flacon pour voir surgir toutes mes robes et pour que chaque femme que j’habille laisse derrière elle un sillage de désir.
Christian Dior
De la haute-couture au prêt-à-porter, le parfum s’affranchit des codes
À partir des années 70, la mode et le parfum s’internationalisent et se veulent plus accessibles. C’est l’avènement du prêt-à-porter. De nouvelles marques, moins prestigieuses que celles des créateurs haute-couture, tentent le pari du parfum : Cacharel, Hugo Boss ou encore Lacoste. En parallèle, des marques de cosmétiques mettent elles aussi le nez dans la création de fragrances. La parfumerie s’affranchit peu à peu du luxe pour être vendue chez Prisunic dès 1978.
Le parfum reste toujours synonyme d’élégance et de raffinement. Toutefois, il se popularise pour coller aux nouvelles habitudes du grand public. Femmes et hommes sont de moins en moins fidèles à leur parfum et aiment changer de fragrance au rythme des saisons. Au début des années 90, certaines marques tentent pour la première fois des créations éphémères aux jus estivaux. Plus ludique, le parfum devient un luxe accessible à tous.
Un pied de nez aux maisons de parfum
Depuis les années 1920, et de façon constante durant tout le XXème siècle, les maisons de couture s’imposent peu à peu sur le marché des fragrances. Entre 1919 et 1930, plus de 800 parfums fleurissent. La concurrence devient alors rude pour les producteurs traditionnels, ceux qui n’étaient alors que de « simples parfumeurs ». Si les usines grassoises se réjouissent de l’essor de la consommation, les parfumeurs accusent le coup. En 1927, le journal L’Excelsior écrit : «Le grand couturier est-il qualifié pour créer des parfums ? Ce genre de négoce paraît indigne d’eux, qui n’ont pas besoin, pour accroître leur chiffre d’affaires, d’empiéter sur le territoire d’autrui». Au début des années 40, les maisons de parfum dominent encore les ventes. Mais à partir de la seconde moitié du siècle, la tendance va finalement s’inverser. Le parfum couturier se généralisera jusqu’à marginaliser les parfumeurs traditionnels.
Parfum et haute-couture : les raisons du succès
La mode passe, les parfums restent
Contrairement à une collection saisonnière de vêtements, le parfum est fait pour traverser les époques et les tendances. Si les nouveautés insufflées par la mode apportent un élan de modernité et une nouvelle actualité, il faut également au parfum une dimension de longévité. Conserver des liens forts entre parfumerie et mode est primordial pour les maisons de couture. Le flacon joue un rôle clé en reflétant l’image que souhaite véhiculer la maison. Ainsi bien souvent, les marques misent gros sur leurs créations olfactives pour les mettre en lumière et en faire un véritable emblème auprès d’un public large. En parallèle, l’actualité renouvelée par les derniers défilés permet de redonner un coup de projecteur aux fragrances. C’est en alliant l’éphémère et le pérenne que les maisons de couture parviennent à trouver le bon équilibre entre innovation, histoire et image.
Le luxe version accessible
Le parfum est une porte d’entrée qui nous conduit tout droit vers l’univers de la marque. Tout le monde ne peut pas s’offrir une robe de haute-couture, mais tout le monde ou presque peut craquer pour un parfum, possédant ainsi un objet de luxe et prenant part à l’histoire de sa Maison. Car dans la communication à la forme du flacon, en passant par le choix d’une égérie star mondiale, tout reflète l’idée de luxe. Pour ces marques de haute-couture, le parfum joue donc un double jeu essentiel. Dans un monde où tout évolue vite, il permet d’arrêter le temps avec des créations olfactives intemporelles. Mais il permet aussi aux créateurs et directeurs artistiques de s’adresser à une autre clientèle, tout en s’assurant une forte rentabilité. Au départ simple accessoire, la fragrance porte désormais la marque dans le temps, alors que la mode est leur plus belle vitrine.
Considérez-vous le parfum comme un véritable accessoire de mode ? Accordez-vous autant de confiance aux marques de couturiers qu’aux marques de parfumeurs ?
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